Bonne année ! Alors que 2021 démarre, je souhaite partager avec vous les enseignements les plus marquants que j’ai tirés de sept années de pratique dans le journalisme. Ce métier fascinant, souvent mal compris, va bien au-delà de simplement rapporter des faits. Voici ce que j’ai appris.
Mon Parcours Vers le Journalisme
Une Entrée Inattendue
Le journalisme n’a pas toujours été mon objectif. À l’origine, je voulais devenir cinéaste. Puis, j’ai aspiré à intégrer le service diplomatique américain. Finalement, ni l’un ni l’autre ne semblait être ma voie. C’est en cherchant un métier combinant narration visuelle et exploration de problématiques complexes que j’ai découvert le journalisme. Sans passer par une école dédiée, j’ai appris sur le terrain, ce qui m’a permis de forger ma propre approche.
Une Définition Personnelle du Journalisme
Pour moi, le journalisme consiste à traduire des sujets souvent complexes en récits accessibles et impactants pour un large public. C’est un équilibre délicat entre rigueur et créativité, entre narration et faits bruts.
Leçons Apprises dans le Journalisme
1. L’Objectivité Est un Mythe
Beaucoup croient encore qu’un journalisme “objectif” résoudrait les problèmes actuels des médias. En réalité, l’objectivité, telle qu’on la conçoit, n’existe pas. Chaque article, photo, ou reportage est influencé par des choix humains : que montrer ? Que laisser de côté ? Chaque décision reflète des biais intrinsèques.
Cela ne signifie pas rejeter l’impartialité. Il s’agit plutôt d’être équitable et, comme le disait mon ancien patron Ezra Klein, faire preuve de générosité envers des perspectives opposées. Dans ma série “Borders”, par exemple, je couvrais la Corée du Nord depuis le Japon. Tout en exprimant une position claire, j’ai tenté de présenter la meilleure version possible du point de vue nord-coréen. Ce n’est pas simple, mais cela rend le reportage plus riche.
2. Écrire Pour le Public, Pas Pour Ses Pairs
Une erreur fréquente, surtout chez les nouveaux journalistes, est de rédiger pour impressionner d’autres journalistes. Cela mène souvent à l’utilisation de jargon incompréhensible pour le grand public. Prenez par exemple une phrase comme :
“L’hyperinflation a entraîné une dévaluation complète de la monnaie locale, provoquant un effondrement salarial.”
Certes, c’est précis, mais pour quelqu’un qui ignore le sens d’« hyperinflation », cela reste abscons. Il est préférable d’écrire :
“En un an, l’argent au Venezuela a perdu mille fois sa valeur, rendant les riches d’hier incapables d’acheter leur prochain repas.”
C’est clair, direct et accessible. Une écriture simple n’est pas un sacrifice d’intelligence, mais un pont vers une meilleure compréhension.
3. Réfléchir Aux Traditions Journalistiques
Le journalisme regorge de traditions bien ancrées. Par exemple, beaucoup s’interdisent d’utiliser “je”, car cela pourrait détourner l’attention du sujet. On critique aussi l’utilisation de belles images ou de musiques dans les reportages, les qualifiant de “superflues”.
Personnellement, je suis en désaccord. Ajouter des visuels soignés ou inclure une touche personnelle ne nuit pas à la qualité journalistique. Au contraire, cela peut rendre une histoire plus engageante. Chez “Vox”, j’ai eu la liberté de rompre avec ces conventions, ce qui m’a permis de produire des reportages innovants et esthétiquement plaisants.
4. L’École de Journalisme, Pas Une Obligation
Je n’ai jamais fréquenté une école de journalisme, et pourtant, cela ne m’a pas empêché d’apprendre aux côtés de mentors incroyables. Bien que ces structures enseignent des bases solides – comme l’importance de l’exactitude et de l’honnêteté –, elles s’enlisent parfois dans la théorie, négligeant les réalités modernes.
Cela dit, si vous choisissez cette voie, gardez l’esprit ouvert et complétez vos études par des expériences concrètes. Expérimentez, apprenez à raconter avec les outils actuels, et adaptez-vous aux nouvelles attentes du public.
5. Le Journalisme Est Un Problème Économique
Le journalisme, surtout aux États-Unis, fonctionne comme un business. Les médias doivent générer des revenus, souvent par la publicité ou les abonnements. Malheureusement, les systèmes basés sur la publicité favorisent des contenus sensationnalistes, conçus pour maximiser les clics, au détriment de récits plus approfondis.
En Europe, certains pays encouragent un financement public ou des modèles hybrides, atténuant cette pression commerciale. Aux États-Unis, cependant, les entreprises médiatiques naviguent dans un environnement où l’attention prime, créant un déséquilibre troublant.
Mais tout n’est pas perdu. Des plateformes comme “The Economist”, par exemple, prospèrent grâce à des abonnements payants, prouvant qu’un journalisme de qualité trouve toujours preneur. De plus, chez “Vox”, nous avions une hypothèse audacieuse : produire des contenus intelligents et accessibles suffisait pour rivaliser avec des vidéos plus superficielles. Et cela a marché.
6. L’Écriture, Une Compétence Précieuse
La clé d’un bon reportage repose sur l’écriture. Même la meilleure vidéo, avec ses graphismes et effets saisissants, ne fonctionne que si le récit sous-jacent captive l’audience. Cela demande de choisir méticuleusement chaque mot, simplifiant là où c’est nécessaire mais sans perdre en précision.
Personnellement, ce métier m’a transformé en écrivain plus réfléchi. Si vous voulez améliorer votre écriture, commencez par lire beaucoup. En parlant de livres, je vous en recommande un qui a changé ma façon d’écrire. Je partagerai peut-être le lien dans les commentaires plus tard !
7. Le Journalisme Est Essentiel
Rien n’est plus crucial dans une démocratie que de garantir l’accès à des faits vérifiables. De récentes fausses informations politiques ont montré les conséquences désastreuses de leur absence. L’importance du journalisme réside dans son rôle de quatrième pouvoir : surveiller les autorités, exiger des comptes, et garantir que la société repose sur des vérités crédibles.
Rien de tout cela n’est facile. Ce travail exige de braver des obstacles, d’investir du temps et de l’énergie pour obtenir des informations fiables. Mais malgré les défis, le journalisme reste un pilier essentiel pour une société fonctionnelle.
Conclusion
Ces sept années dans le journalisme m’ont profondément marqué. J’ai appris que ce métier, bien qu’exigeant et imparfait, façonne nos perceptions et tisse le tissu de nos sociétés. Si vous êtes tenté par cette voie, souvenez-vous : soyez curieux, équitable, et racontez des histoires qui comptent. Et surtout, apprenez en pratiquant. Le journalisme n’est pas réservé à ceux qui suivent une voie toute tracée.
Pensez également à soutenir les plateformes qui produisent un journalisme de qualité. Chaque abonnement, chaque clic sur un média sérieux aide à préserver cette pratique si précieuse. Restez informés, soyez curieux, et valorisez les faits.
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